Lamentations de la pierre
Lamentations de la pierre
Je ne sais pas pourquoi ils m’ont abandonnée ...
Pendant des dizaines d’années les ouvriers du fourneau sont venus dans cette carrière de pierres réfractaires tailler des varmes, des costières, des tympes pour le haut-fourneau des Salles et ceux de Bretagne. Ils arrivaient en juillet ou en août. Auparavant ils avaient éteint le fourneau pour économiser l’eau, rare en été, et aussi effectuer les réparations nécessaires après neuf mois de fournaise. Ils avaient été, pendant l’année, gardes au fourneau, chargeurs, journaliers, et sous la direction du fondeur Petihomme ils taillaient des pierres destinées à réparer leur fourneau et à répondre aux commandes des différents directeurs des forges de Bretagne.
Cette pierre a une qualité rare, elle résiste aux hautes températures. Elle a permis de construire tous les fourneaux des Salles depuis 1623 mais aussi les fours des verriers de la forêt. Ses qualités ont été reconnues au fil du temps et elle a permis de construire les fourneaux de Moisdon la Rivière, de Lanouée, de Paimpont, de Coat an Noz, de Trédion ...
Les pierres étaient transportées par des charrettes qui mettaient plusieurs jours pour faire le voyage. A partir de 1841 elles ont pu emprunter le canal pour rejoindre la mer. Elles ont aidé à la construction du fourneau des frères Pinard à La Marquise dans le Pas de Calais, le voyage par mer à partir de Lorient a été long mais paisible.
Dans la deuxième partie du XIXème siècle, d’autres pierres ont rejoint Foix dans les Pyrénées, d’abord par mer jusqu’à Bordeaux et certainement en empruntant le nouveau moyen de transport le train.
Je ne sais pas pourquoi ils m’ont abandonnée ...
La charrette était pleine, ils ont dit qu’ils reviendraient me chercher pour me transporter sur la péniche. Ils ne sont jamais revenus.
Depuis à part quelques hardes de sangliers, quelques biches, un ou deux cerfs, je ne vois personne. Il y a bien un siècle et demi que je n’ai pas vu de loup.
Je ne sais même plus qui je suis.
Le 27 mars 1859 le régisseur Roy écrivait à M Duval à Paimpont : « Je vous donne ci-dessous la nomenclature de toutes les pierres extraites en ce moment. »
longueur | largeur | épaisseur | ||
Maîtresse Pierre | 1.35 | 0.60 | 0.65 | |
Pierre à monter | 1.30 | 0.70 | 0.45 | |
Tympe | 0.70 | 0.65 | 0.65 | |
Fausse tympe | 0.45 | 0.40 | 0.40 | |
Pierre de fond | 1.70 | 1.70 | 0.30 | |
Varme | 0.70 | 0.50 | 0.25 | |
Pierre d'étalage | 0.60 | 0.55 | 0.25 | |
Petite pierre | 0.50 | 0.30 | 0.20 |
Alors si vous venez me voir à la Lande de Course, n’oubliez pas un mètre et dites-moi si je suis tympe, varme ou maîtresse pierre. Et, si par bonheur, vous connaissez un Maître de Forge dites lui bien que je suis disponible pour son haut-fourneau. Je m’ennuie !
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